Secteur Impérial

Une fois les bordures explorées, un boulot en poche, vous vous rendez comme beaucoup de nouveaux éveillés aux Services Techniques de la Ville.

L'endroit est particulièrement imposant. De l'extérieur le complexe de bâtiments fait un gigantesque carré de près de 500 mètres de côté et culmine à une bonne centaine de mètres de haut sinon plus. On voit d'énormes cheminées crachant en continu un nuage de fumée entre l'ocre et le gris terne. L'intérieur du bâtiment dans lequel les gars de la sécurité vous envoient sans trop de ménagement est tout aussi impressionnant. La machinerie énorme se trouve partout et le vacarme est entêtant. Une odeur acre indéfinissable emplit l'air, le rendant presque moins respirable qu'à l'extérieur.

Un minuscule individu vert geignard qui bouge dans tous les sens et gueule a à chaque fois que vous n'arrivez pas à le suivre dans le dédale de métal vous a été collé comme boss semble t'il. "Gobelin de merde" maugrée l'un des ouvriers de l'équipe. Le Gobelin parle vite et vous donne des instructions compliquées, rabâchant les consignes à longueur de temps. Pas un "bonjour", pas un "vous vous appelez comment ?", rien à foutre de votre tronche, vous n'êtes que de la main d’œuvre bon marché qu'on foutra à la porte sans remord si le travail n'est pas accompli. Va falloir s'y habituer si vous ne voulez pas crever de faim et de froid la gueule ouverte !

La journée de travail finit, vous n'en pouvez plus mais avez pu gagner vos premiers crédits, chose essentielle pour survivre. Nul n'a eu besoin de vous l'apprendre, c'est comme si c'était inscrit dans vos gènes. Programmation ? Instinct de survie urbaine ? Bon sens ? Bref vous voilà à nouveau dans les rues rectilignes et mornes. Maintenant il va s'agir de trouver un toit. Où aller ? Vous consultez alors la carte du secteur trouvée dans la besace à côté du lit dans lequel vous vous êtes réveillé au matin. Vous pourriez retourner dans ce lit mais vous préférez bizarrement dormir dans la rue que retourner là bas. La carte vous permet de localiser les agences immobilières éparpillées dans le secteur. La plus grande concentration d'entreprises se trouve au centre du secteur et vous décidez de vous y rendre.

Au fur et à mesure que vous vous rapprochez du centre, les rues deviennent de plus en plus dégagées et larges. Les terrains vagues se font plus rares et les bâtiments paraissent moins vieux, plus grands, plus luxueux, l'éclairage est de plus en plus puissant. Vous êtes bientôt bloqué par une grande barrière bardée d'hommes en uniforme, lourdement vêtus et armés avec le sigle impérial. Le gros "Police" écrit en jaune sur leur gilet noir ne laisse aucun doute. Vous repérez très vite des armes lourdes, des herses, des véhicules blindés et des caméra de partout. L'image est assez peu engageante à vrai dire et vous auriez fait demi tour si vous n'aviez vu de nombreuses personnes passer sans se faire massacrer.

Toujours pas de "bonjour" ou autres, un simple "Vos papiers !" gueulé à l'arrache. Vous vous sentez bête, vous n'avez pas de papiers. Ca ne pouvait pas être simple, non ! On vous met immédiatement en joue avec un fusil d'assaut et vous fait passer dans une salle spéciale. Fouille intégrale à l'extérieur du corps comme à l'intérieur ! Vous comprenez vite que vous n'avez pas intérêt à moufter à la vue des trois tourelles braquées sur vous. Epreuve humiliante mais qui se révèlera utile: on vous passe le crâne au scanner et on vous demande comment vous souhaitez vous faire appeler. Vous devez choisir fissa car le type n'a pas l'air patient du tout. Vous ressortez finalement de l'autre côté du barrage, l'arrière train douloureux avec une jolie petite tablette tactile indiquant votre nom, votre identifiant et votre statut: Nemo Intra. Un policier vous gueule qu'au moindre écart il vous supprimera purement et simplement. Sympa comme tout par ici ! Des gens serviables et accueillants... pfff. Au moins avec tout ça on doit être en sécurité pourvu qu'on fasse profil bas. D'ailleurs les gens, tous désarmés, ce qui n'était pas le cas avant, paraissent tout à fait sereins.

Néanmoins la suite se révèle plus agréable. Les rues se transforment en boulevard, les allées éclairées sont somptueusement décorées de fioritures plastique classes bien que d'un style très pompeux. Les couleurs bleues, argent et or sont partout, l'asphalte est remplacé par un revêtement parfaitement lisse et les bâtiments sont aussi immenses et stylés qu'impeccablement entretenus. De gigantesques écrans diffusent des messages faisant l'éloge des forces impériales et affichent des images de militaires paradant dans les rues aseptisées. Vous respirez l'air bien plus pur ici à pleins poumons. Plus loin, une fontaine au milieu d'une place parsemée d'écrans et d'hologrammes décoratifs ou publicitaires fait presque oublier les désagréments de la journée. Un joli kiosque juxte la fontaine et s'en échappe un fumet délicieux de viande en sauce. Cela tombe bien, la journée vous a creusé l'appétit. Vous prenez place et êtes sur le point de commander quelque chose lorsque vous apercevez les prix exorbitants pratiqués ici: le met le moins cher vaut plus que votre salaire du jour ! L'envie de protester vous monte au nez mais la présence plus que notable de la police qui ne semble attendre qu'un faux pas pour vous trouer la peau vous rappelle immédiatement à l'ordre explicite du "fermes ta gueule ou crèves" Vous vous décidez donc à rejoindre une agence immobilière sans manger, en quête d'une location correcte.

L'entreprise dans laquelle vous entrez ressemble presque un Palace, tout semble fait pour rendre les lieux les plus tape-à-l'oeil possible: colonnes ciselées, tentures chamarrées, sol ciré et reciré, vendeurs impeccables. Ces derniers regardent vos habits miteux d'un air dédaigneux et courent d'un client à un autre, prenant soin de vous positionner en dernier, lorsque les autres clients richement vêtus, eux, sont satisfaits. Et un "Lady" par ci, et un "Monsieur" par là toujours d'une voix susurrante et clairement fayotte. Vous leur auriez collé un bon coup dans les dents à ces vendeurs, mais les nombreux mastodontes armés jusqu'aux dents qui gardent les lieux ont quelque chose de ... dissuasif. Après une longue attente on daigne enfin s'occuper de vous. Un rapide coup d’œil sur les offres disponibles vous fait vite comprendre que le prix va exponentiel avec la proximité du plein centre ville. Votre choix est vite fait: la périphérie mal famée semble être le seul endroit raisonnablement accessible pour vos moyens, et encore, la moitié de votre salaire y passe... "Bienvenue en Secteur 1"

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